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.Suite du chapitre I Mokhtar soussi

suite du chapitre I

Une fois qu'elle est prête, la taslit quitte la maison de ses parents à dos de mulet au milieu d'un cortège mixte. Arrivée devant sa nouvelle demeure, elle est accueillie par sa nouvelle famille. L'asli étant sur la terrasse, il jette sur le cortège des amandes en signe de bienvenue et d'affection ou des dattes que les enfants ramassent dans des bousculades.

      Après que tout le monde eut mangé, les femmes s'isolent généralement sur les terrasses loin des hommes et les danses   commencent autour d'un grand feu jusqu'à l'aube. Parfois, on invite aussi un « baqchich » l'humoriste, le fou de cour, chargé de faire rire les gens.

      Lorsque tout le monde se sent lâs, l'asli et la taslit se retirent dans leur « ahanou », chambre nuptiale pour leur premier rapport sexuel. L'asli doit se montrer homme avec fermeté en ce premier jour de vie conjugale. S'il trouve la fille vierge, un drap blanc maculé par quelques gouttes de sang en témoigne, et les youyous des femmes viennent déchirer le silence nocturne.

      Si le pauvre se bloque et n'arrive pas à déchirer l'hymen de sa partenaire, le recours à un faqih s'impose. Celui-ci use de tout son savoir pour remédier à la situation. C'est à lui, dans un premier temps, de dépister la cause qui peut provenir de l'un ou de l'autre ou des deux à la fois, à cause de personnes jalouses susceptibles d'avoir ensorcelé les deux conjoints.

      D'ailleurs, une fois que l'on déclare un futur mariage, les deux futurs époux doivent se méfier quand ils sont appelés par leur nom. C'est juste au moment où on répond « Na'âm » oui, que le malfaiteur qui leur veut du mal, ferme un couteau ou une épingle qu'il enfouit ensuite dans un lieu sûr ou même dans un cimetière « oublié » en ligotant ainsi sa victime.

      Nous devons noter que, à l'issue de cette cérémonie, où nous pouvons observer côte à côte, la religion, la magie, la superstition, et même la science, la clôture se fait obligatoirement par la récitation du saint Coran, ainsi que de certaines louanges panégyriques portant sur la vie du Prophète.


5-3 La vie intellectuelle.

      A l'époque d'Al-Mokhtâr Al-Soussi, le Souss a connu une renaissance intellectuelle importante. Devant son rayonnement, le chercheur soussi peut, sans hésitation aucune, être fier de sa région en la comparant au reste du pays, car les savants soussis ont joué un grand rôle dans la diffusion du 'ilm à cette époque tumultueuse de l'histoire du Maroc.

      Ils ont pu préserver l'identité nationale et participer à la diffusion des sciences arabes et religieuses. La plupart des oulémas soussis ont occupé la place d'honneur pour enseigner dans les médersas traditionnelles, et senti la noblesse de leur mission, ce qui les a poussés au sérieux le plus extrême.  

      Nous notons aussi que les caïds du Souss ont contribué en facilitant la tâche des oulémas matériellement et moralement.

      Al-Mokhtâr Al-Soussi en a cité certains : Le caïd 'yâd Al- jirari qui avait transformé sa circonscription en un centre pour les gens du 'ilm et possédait une bibliothèque considérable.   

      Le caïd Al-tiyoutî qui, lui aussi, avait apporté son aide aux oulémas de son cercle en rénovant les médersas et en choisissant des fouqaha compétents pour y enseigner les sciences religieuses aux tolba, qui étaient eux aussi sous sa protection.

      Il y eut aussi Al-Hadj Ibrahim Ighachî dont la maison devint une sorte de lieu de pèlerinage pour les hommes de science.   

      En plus de tout ceci, on reconnaît aux oulémas autodidactes du Souss leur participation désintéressée à la quête des sciences au-delà de leur région natale. Ils allaient compléter leur savoir et acquérir les sciences dans les villes du Royaume où étaient enseignées les sciences qui leur manquaient. A tel point que l'enseignement qu'ils dispensaient était plus approfondi que celui des villes, surtout dans les domaines de la grammaire arabe, de la langue et de la morphologie.   

      En somme, tous les efforts déployés avaient pour but de bien maîtriser la langue arabe qui n'était pas la langue maternelle des oulémas du Souss, et qui constitue l'outil primordial pour l'étude et la compréhension des textes sacrés. La langue arabe constituait pour Al-Mokhtâr Al-Soussi le moyen privilégié qui permettait aux soussis et surtout à l'élite intellectuelle de dépasser le périmètre étroit du Souss.

      Al-Mokhtâr Al-Soussi n'a pas hésité à souligner que lorsque les habitants de sa région natale « Ilgh » voulaient exhiber leur supériorité sur les autres tribus, ils s'exprimaient en arabe. Il affirme qu'il se définit par la langue arabe dont il apprécie le style et les métaphores, et non pas par sa langue maternelle.   

      Mais, nous devons rappeler que tous les Berbères du Souss ne se préoccupaient pas de la langue arabe. Ils vivaient leur quotidien dans leur langue, en laissant l'élite intellectuelle s'occuper des sciences religieuses.

      A notre connaissance, aucun historien n'a rapporté que les oulémas berbères qui ont étudié en Orient, aient imposé aux soussis d'abandonner leur langue maternelle pour la langue arabe afin d'accéder à un Islam crédible et authentique. Au contraire, ils utilisaient le berbère comme moyen efficace pour l'enseignement des préceptes religieux. Les fouqarâ des zaouias n'ont pas fait exception à cette pratique.

      L'histoire nous apprend qu'à son retour d'Orient, au VIème siècle de l'hégire, (XIIème siècle de l'ère chrétienne), Mohamed ben Toumart trouva ses compatriotes incapables de mémoriser la sourate Al-fatiha, (la préliminaire ou l'ouvrante), ce que voyant, il compta le nombre de mots de la sourate, et il donna à chacun comme nom un mot de la sourate. Puis il mit ces personnes en rang et leur dit: « Dieu n'accepte de vous la prière que si vous récitez les mots dans cet ordre ».  

      Al-Mokhtâr Al-Soussi attire l'attention sur le fait que, dans le Souss, il y a deux mondes distincts: Le monde de la « 'âmma » qui est celui de la population analphabète où le respect et la bonne conduite font défaut, et celui de la « khâsa » représenté par les lettrés et ceux qui maîtrisent les sciences religieuses, lesquels sont respectés et vénérés en tout lieu grâce au savoir et au pouvoir dont ils bénéficient.   

      Mais malgré cette distinction observée dans le domaine intellectuel, la vie quotidienne imposait aux gens des relations inévitables dans ce contexte socioculturel et en berbère.

      On ne saurait négliger un facteur qui eut son importance et qui permit à ces deux groupes de reconnaître et d'affirmer leur solidarité. Il s'agit des incursions étrangères dans la région, depuis l'arrivée des Portugais sous la dynastie des Sa'adiens jusqu'à la pénétration française. Ce facteur a engendré au fil des siècles, des manifestations de résistance militaires, politiques, intellectuelles et populaires, exprimées de différentes manières, même à travers les chants.


5-4 Les confréries religieuses dans le Souss.

      En consultant les livres et les biographies soussis, nous avons constaté que la période comprise entre le XIIème et le XIIIème siècle (XVIIIème - XIXème ), a vu la naissance de nombreuses zaouias qui devinrent des centres de pratique religieuse, d'enseignement, d'éducation et de dhikr  

      Nul ne peut nier le rôle des confréries religieuses dans la diffusion de l'islam au Maroc et en particulier dans le Souss, depuis la fondation du Ribât   de Waggâg ben Zallou Allamtî à Massa au Vème siècle (XIème siècle) devenu par la suite zaouia et puis médersa et qui avait formé le grand faqih Abdellah ben Yasine, fondateur de la dynastie des Almoravides. Ceci peut expliquer la relation entre les zaouias et le jihad.

      A l'époque du déclin de la dynastie Sa'adienne, les zaouias apparurent très nombreuses et furent le refuge de gens fuyant les problèmes de l'époque. « Le sentiment du jihad s'est exacerbé chez les soussis lorsqu'ils virent les tribus et les centres côtiers faire allégeance aux étrangers et se mettre sous leur protection ».   

      En voulant élargir le champ du jihad et pour lutter contre les dissidences, les confréries religieuses se sont multipliées avec leurs rites alliant des pratiques authentiques à d'autres plus suspectes d'hérésie. Les populations analphabètes avaient une croyance illimitée en la baraka des chouyoukh, des tolba et des soufis. Ils les vénéraient, car ils représentaient leur seul secours en cas de difficultés.

      Les confréries exercèrent ainsi sur les populations du Souss, y compris sur les oulémas, une influence spirituelle déterminante. A tel point que l'on en vit certains abandonner leur fonction d'enseignant dans les médersas pour rejoindre les groupes de fouqara qui pérégrinaient à travers le Souss.

      Cette observation impose de s'interroger sur les confréries répandues dans le Souss.


5-4-1 La tariqa  Al-Nâsirya.

      Son origine fut la zaouia Al-Nâsirya fondée par Abou Hafs Omar ben Ahmed Al-Ansârî à Tamgrout    en 983 H (1575). En 1040 H (1630) Abou Abdellah Mohamed ben Nâsir y vint pour s'initier à la tariqa du cheikh fondateur et il s'y installa, enseigna, et diffusa le 'ilm après la mort de son cheikh.   

      Les oulémas sortant de cette zaouia, propagèrent la tariqasirya basée sur la sunna et les principes islamiques purs, dans tout le Souss lors des moussems et des occasions de rencontres.

      Une autre zaouia Nâsirya pour la diffusion des sciences religieuses, fut fondée à Timgguiljt aux alentours de Tafraout dans la province de Tiznit. «Tout au début, la seule tariqa connue dans le Souss fut la tariqa Al-Nâsirya qui avait pour objectif l'enseignement et l'éducation ce qui poussa tous les soussis à l'embrasser avec respect et vénération »   Les préceptes transmis aux populations furent enseignés en berbère soussi, langage véhiculaire de la culture dans la région.


5-4-2 La tariqa Al-Tijânya.

      Elle fut fondée en Algérie par le cheikh sidi Ahmed Al-Tijânî 1150-1230 H (1737-1815) qui était un faqih malékite. Persécuté par les Turcs, il se réfugia au Maroc et s'installa à Fès. Actuellement, son sanctuaire est visité chaque année par les partisans de sa tariqa. Ses partisans viennent même de l'extérieur du pays.

      L'introduction de sa tariqa dans le Souss se fit par l'entremise du cheikh Akensouss de Marrakech qui l'avait enseignée aux fouqaha soussis qui le fréquentaient.  «  Au départ, elle ne fut embrassée que par une minorité qui ne l'enseignaient pas aux gens contrairement aux Darqâwis »   


5-4-3 La tariqa Al-Darqâwiya.

      A son origine, elle est née de la tariqa Al-Châdhilya fondée par Abou Al-Hassan Al-Châdhilî, 593-616 H (1196-1219) disciple de Abdessalam ben Mchîch.

      La tariqa Al-Darqâwiya ne fut donc qu'un prolongement de la tariqa Al-Châdhilya rénovée par le cheikh sidi Larbi Al-Darqâwî 1159 - 1239 H (1746 - 1823)    qui avait opté pour un soufisme purement islamique, et combattu les déviations populaires.

      La tariqa Al-Darqâwiya apparut dans le Souss en 1260 H (1844) et fut diffusée par les soins du cheikh sidi Sa'id ben Hmmou Al-Ma'drî. Bien qu'il fut analphabéte, ce dernier sut attirer autour de sa personne la plupart des oulémas soussis, qui voyaient en lui la source rayonnante de la tariqa   

      Mais, cette tariqa n'atteignit son apogée que grâce aux efforts du père de Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi, sidi Hadj Ali ben Ahmed Al-Darqâwî, qui avait quitté sa fonction d'enseignant dans la médersa Al-Boumarwânya pour se consacrer à la tariqa Al-Darqâwiya. « Il s'est retiré avec les fouqarâ' en se séparant de la tenue des oulémas. Il prit un bâton, mit un rosaire autour du coup et s'habilla d'un froc. Il s'engagea en se conformant aux exigences de la tariqa : Silence, faim, dhikr et solitude»  

      Il construisit la zaouia Al-Darqâwiya à Dou-gadir, (son village natal), en 1302 H (1885), ce qui attira de nombreux partisans de la Tariqa autour de lui. Après sa mort, ils se comptaient par milliers. De nos jours encore la zaouia reste très active sous la responsabilité de ses petits-fils. Chaque année on y assiste à des moussems où les adeptes se rencontrent pour le dhikr.

      En résumé, nous avons fait le tour d'horizon du soufisme du Souss sans entrer dans les détails. Car notre but est de signaler que l'enseignement et l'éducation dans le Souss, sont influencés par les courants soufis.

      Notre pédagogue et éducateur Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi, comme tant d'autres, a subi toutes ces influences durant son enfance et lors de ses études avant de quitter le Souss.

      Chapitre II

      Vie et formation d'Al-Mokhtâr Al-Soussi.

      1- Place d'Al-Mokhtâr dans son arbre généalogique

      2- L'ascendance d'Al-Mokhtâr Al-Soussi.

      2-1 Sa famille.

      2-2 Un père Soufi.

      2-3 Une mère instruite.

      2-4 Naissance et enfance.

      3- Al-Mokhtâr Al-Soussi à la quête du savoir.

      3-1 Dans la région du Souss.

      3-2 Le voyage à Marrakech.

      3-3 Poursuite des études à Fès.

      3-4 Poursuite des études à Rabat.

      4- La culture de Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi.

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16/10/2007
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