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Le chant soufi

Le Chant Soufi.

Les chants et mélodies lient les gens étroitement aux tourouq. Leurs maîtres se seraient probablement rendus compte de l'effet magique de la musique sur les esprits et les comportements.

Les maîtres ont alors fait de leurs « petites sociétés » des « sites » spirituels où l'on interprète des mélodies prodigieuses et des chants dansants en utilisant parfois même  divers instruments musicaux. C'est celà peut être ce que veut faire entendre Al Youssi dans sa qasida quand il évoque le mawlid qu'on célébre par le Sama' : « Parfois, il est d'une telle maîtrise qu'il cherche à faire vibrer les autres » . Parmi les formes de la tolérance de la musique par les fouquaha on cite : « les adeptes commencent à céder jusqu'à ce que leurs cœurs soient prêts à reconnaître le bien du mal à l'aide des modes musicaux ». C'est aussi ce que veut insinuer Abou Al Hassan Al Chachtari, que Dieu ait son âme, quand il dit « Nul doute que les âmes ont plus d'affinités pour le bien quand elles y sont spontanément attirées». 

L'auteur d'Al Mawahib l'adimah l'a mieux exprimé à la fin du 9ème Maqsid en parlant du Sama'  en affirmant que le Sama' atteint son plus haut degré quand il parvient à adoucir les esprits. C'est ainsi que le grand connaisseur Sidi Ali Al Wafawi  a sorti son célère Hizb sur les mélodies et les rimes douces pour apaiser les esprits de ses adeptes. « L'esprit, tel qu' on l'a évoqué auparavant, a sa part de mélodie s'il arrive à admettre ces évocations sunnites tenues de Mohammed, avec ses belles musiques bien mesurées. Ces évocations circulent dans le sang pour que chaque organe ait sa part de la bénédiction de Mohammad(S.P.L). Ainsi, l'arbre du  « discours éternel » fructifiera en conséquence de ce qu'il absorbe ». 

Petit à petit apparurent les premières lueurs d'un nouveau style qu'on peut qualifier de chant soufi, basé sur la récitation des Adhkars et Awrads dans les Zawiyas et les mausolées , et respectant les modes, les mélodies et les rythmes. 

Plusieurs facteurs ont contribué à l'introduction de la musique et du chant dans le domaine soufi au Maroc ; on cite, à titre d'exemple :

1-L'influence externe qui consiste en l'intrusion des théories et des rituels propagés par des écoles du soufisme de l'Andalousie et de l'Orient islamique:

Les soufis marocains ont appris de ces écoles la pratique de la danse et du chant ainsi que l'usage des instruments musicaux comme les tambours et les flûtes.
L'historien tétouanais, Mohamed Dawoud écrit :« Le dhikr  dans les souks, la danse et le Sama' n'étaient pas connus avant la période de Moulay Al Arabi Addarqawi (décédé en 1239), disciple des maîtres de Fès. Cette Tarîqa se pratiquait en imitation des orientaux. Les adeptes de cheikh Sidi Mohamed Ibn Aïssa ont, d'autre part, appris la danse de la Rifa'iya en Egypte, puis les étendards, les drapeaux, les tambours et les mazamirs (sortes de flûtes)  .
             
2-L'attitude des soufis vis-à-vis du Sama' :

Ils en ont permis la pratique. La plupart d' entre eux le considèrent comme un moyen de conjurer le Très-Haut, d'orner les Adkars et les évocations, de nettoyer la société de ses crasses, de surmonter les chagrins dans cette vie dominée par le matériel et de s'envoler dans des airs plus propres et plus sains. Al Manjour dit :   « le soufisme consiste à vider le cœur de tout, sauf d'Allah et de l'apaiser en évoquant son nom (celui d'Allah) ». Sidi Ali Al Wafawi évoque dans son célèbre Hizb  les mélodies et les rimes douces qui apaisent les cœurs.

A ce propos, les noms de deux grands maîtres du soufisme sont également évoqués. Il s'agit du cheikh Mohamed Ibn Abi Bakr Dila'i et du cheikh Abdelkader Al Fassi. A l'époque du premier, la Zawiya Dila'iya  fêtait le mawlid par la récitation de poèmes, de séquences de  mouachahat  élégiaques en l'honneur du Prophète dont particulièrement la Borda  et la Hamzia de l'Imam Bousayri. Durant les dernières années de sa vie, celui-ci se consacra beaucoup au Sama' au point que son maître Ahmed Ibn Al qadi lui adressa les propos suivants: « Tu ne commettais pas d'enfantillages pendant ta jeunesse…Qu'est ce qu'il arrive donc pour que tu en commettes à ta vieillesse ?». Et Dila'i, de rétorquer : « En réalité l'éclair m'a dérobé les entrailles… alors j'ai cédé après m'y être opposé ».

Cheikh Abdelkader Al Fassi, lui, était tellement charmé par le Sama' qu'il  avait autorisé ses adeptes de la Zawiya à Fès à chanter les amdahs et les poèmes soufis en sa présence. Il adorait les paroles de Chachtari accompagnées de musique, celles de Abderrahman Bel Majdoub et d'autres. Cependant, il n'admettait pas qu'on les accompagne d'instruments musicaux, alors qu'il autorisait la danse et le chath  (danse populaire). 

3- Les fouqaha et les hommes de religion assistaient rarement à ces danses et chants soufis.

Dans charh al waghlissia, on relève  le fait que certains indigents interprètent le Sama' accompagné d'instruments musicaux . Ceci s'explique par l'état de transe de ces derniers. En effet, pour la société, le possédé était dans tous les cas quelqu'un qui a perdu la raison, qu'on peut écouter et saluer sans pour autant l'imiter .
A ce propos, Ibn Al Bannâ', évoquant le chant  dit composa ces deux vers :

« Il n'est permis qu' aux ermites 

Mais plainte des chiokhs (pluriel de cheikh) évidente

Alors qu'il est prohibé pour les profanes

Par les chiokhs légitimes »

C'est aussi ce que dégagent les paroles du chroniqueur Meknassi Ibn Zidane, à propos du cheikh Abou Al Barakat Ali Ibn Mohamed surnommé Hamdouch,  inhumé à J'bel Zerhoun : « C'était un fanatique de la danse, d'une grande spontanéité et fortement possédé… ; Il adorait le Sama', le Madih et les mélodies ; Il aimait les écouter quand ils sont accompagnés d'instruments musicaux »  .. Puis il ajouta : « Il n'est absolument pas permis aux personnes raisonnables de l'imiter ; celui qui l'imite est considéré avec le temps comme un fou errant et confus, une personne irresponsable de ses actes qu'on ne doit aucunement imiter ». C'est-à-dire que le Sama' n'est autorisé que pour les soufis. Abou Al Abbas Ahmed Ibn Ali Al Hachtouki, s'adressant à un ascète a dit : « Oh fils, si tu vois des faqir (adeptes d'une tariqa) en train d'interpréter le Sama', ne leur en veut pas et ne les accompagne pas ».

4- La popularité qui caractérisait les Zawiyas et les Rabitahs des soufis :

Ces centres sont devenus, en quelque sorte, des clubs où se réunissaient toutes les classes socio-culturelles et économiques pour réciter tous ensemble, des rituels et des adhkars ou écouter des prêches et des versets de Coran.

5- La rareté des fêtes:

Une autre raison qui apparut après la chute de l'Andalousie en particulier et  aussi pendant les périodes de déclin de règne au Maroc est le fait que les grandes fêtes qu'organisaient  les Emirs et les califes dans leur cours devinrent de plus en plus rares à cause de leur affaiblissement et leur décadence. Ils étaient  plutôt occupés à repousser les différentes attaques extérieures, et à se réorganiser pour retrouver l'unification perdue.

Ces cérémonies auraient donc failli cesser à jamais s'il n'y avait eu pas cette minorité de soufis qui n'ont pas arrêté de se réunir dans les Zawiya pour interpréter le dhikr  et le chant , assurant ainsi le lien entre le passé et le présent. Il faut dire qu'ils étaient, au fait, les sauveurs de ce noble patrimoine musical.

Ainsi, parait le rôle positif qu'a joué la Zawiya soufie au Maroc en matière de sauvegarde des origines du chant arabe.


Lire aussi:

- Caractéristiques du Chant Soufi

- Styles du Chant Soufi



01/10/2007
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