Les Marocains et le Rite Malékite
Les Marocains et le Rite Malékite.
Le malékisme constitue la pierre angulaire de la culture religieuse marocaine.Des Idrissides jusqu’aux Alaouites, en passant par les Almoravides, les Almohades, les mérinides et les Saadiens, toutes les dynasties qui se sont succédées sur le trône du Maroc ont consolidé cette école et l’on considérée comme la doctrine officielle de l’état. |
La prééminence millénaire du rite de l’Imam Malek au Maroc, voire même dans les pays du Maghreb, a intrigué plusieurs penseurs islamiques et historiens qui se sont penchés sur les raisons qui ont poussé les marocains à le choisir, parmi d’autres rites, avec conviction et sans contrainte aucune et à s’y attacher douze siècles durant.
Certains chercheurs pensent que cet attachement s'explique en partie par la forte personnalité de l’Imam Malek lui-même. Grand savant de Médine, il est connu pour sa piété, sa conduite exceptionnelle, sa crainte de Dieu et son dévouement aux sciences religieuses. Maître de chaire de renommée à travers le monde islamique, il était vivement attaché aux préceptes du Coran et de la sunna qu’il primait sur l’analogie et l’opinion lors de l’émission de fatwas (avis juridique). Malgré sa profonde connaissance dans le domaine des sciences du fiqh et leurs nobles desseins, Malek était aussi modeste que savant et s’excusait de ne pas pouvoir statuer dans une affaire ou émettre une fatwa en absence de référence dans le Coran, la sunna, ou le principe d' analogie. Sa célèbre réponse, claire et simple, était souvent : « je ne sais pas ».
Outre la haute considération des Marocains vis-à-vis l’Imam Malek, d'autres chercheurs attribuent cet attachement à la nature même du rite malékite et à sa convenance à l’esprit général des marocains. Le rite malékite est connu pour son contenu scientifique et juridique ainsi que sa haute portée didactique. Il est égalemnt caractérisé par sa nature pragmatique et réaliste et par son aptitude à assimiler la vie quotidienne des sociétés dans leur réalité spécifique et leur évolution effective.
Le rite malékite se base sur les fondements rationnels et scripturaires caractérisés dans leur ensemble par l’étendue et la souplesse. Ces fondements sont pour l'essentiel: le Saint Coran, la Tradition du Prophète, le consensus (Ijma'), le raisonnement par analogie (qias), la pratique des médinois, l'opinion des Compagnons du Prophète, le choix juridique (istihsan), l'utilité publique (istislah), le respect de la coutume, la prévention des actes illicites (sadd addarai'), L'istishab ou continuité de la norme juridique et la prise en considération de l'argument opposé.
Les Marocains sont connus de leur part pour leur tendance à la simplicité et à la clarté ainsi que pour leur refus catégorique de l’extrémisme et de l’esprit obtus. Ayant souffert des conséquences désastreuses d’idées aberrantes et des pensées extrémistes véhiculées par des sectes venues d’ailleurs, ils ont rejeté les rites dits d’opinion et ont opté pour le malékisme, rite de l’Imam de Médine, qui tient compte des coutumes et des particularités des autochtones et qui constitue un prolongement de la sunna incarnant ainsi les faits et dires des Médinois.
Pour Ibn Khaldoun, la prééminence du rite malékite en Andalousie et au Maroc est due essentiellement au voyage des Marocains au Hijaz. Il rapporte dans ses « Prolégomènes» (Muqaddima) que « L'école malékite est surtout suivie au Maghreb et en Andalousie dont les habitants ont rarement une autre attache. En effet, Maghrébins et Andalous n'allaient, généralement, pas plus loin que le Hijaz. Or à cette époque, Médine était le foyer de propagation du droit musulman, en direction de l'Iraq, lequel se trouvait à l'écart de leur route. Nos voyageurs se contentaient donc d'étudier auprès des docteurs de Médine, c'est-à-dire, soit avec Malek, soit avec ses maîtres, soit avec ses disciples ».