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L’Art du Melhoun (1/2)

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L'Art du Melhoun (1/2)

 

Si le patrimoine culturel, dans son acception la plus étroite, peut être considéré comme un ensemble de symboles et de mouvements nés de l'Histoire, ensemble qui se morcelle en une multitude de traditions populaires où se côtoient vérité et légende, réalité et imaginaire, celui que cette question préoccupe pressent qu'il est bien plus que cela.

En effet, celui qui examine attentivement le patrimoine culturel du Maroc y trouvera une tradition nouvelle, dont la genèse remonte loin dans le temps, confluence des nombreux événements qu'a vécu ce pays; une tradition qui, si elle montre quelque signe d'affaiblissement, ne tire pas moins sa source d'une grande variété de cultures et civilisations; une tradition capable de relever les défis lancés par chaque époque, par les problèmes dans lesquels l'être humain se débat aujourd'hui.

Nous, Marocains, jouissons du patrimoine le plus riche de toute la région: des habitudes et traditions les plus diverses, différentes selon chaque région du Maroc, passant par la cuisine, le costume, les us et coutumes, jusqu'à la poésie et l'art de la parole qui sont considéré tous deux comme la chronique relatant la vie de ce pays. Lorsque nous évoquons la poésie du Maroc, nous ne pouvons omettre de citer l'école des origines, toujours vivante aujourd'hui ; oasis ombragée qui apparaît du plus loin dans le désert ; l'école qui a donné toute sa créativité au Maroc ; l'arbre aux fruits abondants qu'est le Melhoun.

Notre art du Melhoun ne se résume pas à de la poésie exprimant des sentiments, il est la mémoire qui a construit l'histoire du Maroc, c'est lui qui a instruit ses enfants, qui a appelé les Marocains à s'attacher à tout ce qui est beau. Il est aussi la seule forme d'art – je dis bien la seule – qui a joué à la perfection le rôle de trait d'union entre le passé et le présent de notre peuple, que ce soit sur le plan de l'espace ou des différentes cultures; il reste apte à construire le Maroc d'aujourd'hui, grâce aux sagesses véritables transmises par ses poèmes.

Il est tout cela et plus. Sa conservation ne doit pas consister à le placer dans un musée et à l'exposer comme s'il représentait tout ce qui nous reste du passé. Nous devons bien plutôt le considérer comme le point de départ d'un parcours intellectuel reliant les différentes époques, parcours caractéristique du Maroc. Il ne nous est pas permis d'arrêter la marche du Melhoun en ce début du XXIe siècle.

Nous ne voulons pas d'une nouvelle époque qui résoudrait nos seuls problèmes matériels mais stopperait dans sa course un mouvement intellectuel qui a consigné l'histoire entière du Maroc. La conservation du Melhoun est un devoir pour quiconque est épris de créativité, de vérité et de beauté et tout un chacun est concerné. En tout premier lieu les créateurs, les humanistes amoureux de littérature.

Je ne voudrais pas me montrer pessimiste sur l'avenir de la musique mais les données du réel parlent d'elles-mêmes. Comparons les soirées d'antan, les fêtes où ne s'entendaient que les formes les plus raffinées du chant, des mélodies qui nourrissaient l'âme et enchantaient l'esprit, des instrumentations inventives, composées par de véritables créateurs, avec ces genres musicaux qui nous sont venus pour saccager le bon goût unanimement partagé jusque là. Certaines instances du marché mondial les ont adoptés, convoitant de simples profits matériels. Ce sont ces formes dégénérées qui ont remplacé le véritable art musical et font office désormais d'étalon du bon goût. Nous en sommes arrivés aujourd'hui au point que lorsqu'un artiste authentique exécute une jolie mélodie au rythme balancé, seuls l'élite et les initiés sont à même de l'apprécier ; les autres attendent ce qui suivra, ce qui s'adressera directement à leurs membres et à leurs organes, à leur instinct sous sa forme la plus primaire, avec des mélodies qui n'ont de mélodies que le nom et des paroles qui n'en sont pas, avec des refrains sauvages qui font le corps se remuer mais laissent l'âme parfaitement indifférente.

Le Maroc, pays splendide, est riche de ses cultures populaires, en particulier sur le plan musical. Cette richesse revient essentiellement à la diversité de ses traditions d'une région à l'autre et sur leurs influences mutuelles. C'est ce qui donne aux arts de ce pays une dimension esthétique spécifique, qui caractérise seul les peuples qui se sont abreuvés à la source de civilisations millénaires.

Saïd El Meftahi
Traduction de l'arabe par Michaël Chik



09/10/2007
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