Conclusion Mokhtar soussi
Conclusion
A travers cette recherche, nous avons tenté d'approcher, sous divers angles, les différents aspects de l'éducation et de l'enseignement dans l'oeuvre d'une grande personnalité berbère du Souss, Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi. L'homme fut à la fois un éducateur, un enseignant, un historien, un homme de lettres et un nationaliste.
Bédouin soussi, il a commencé sa vie au plus bas de l'échelle sociale pour arriver au poste de ministre, d'abord des affaires islamiques, puis de la couronne, pendant le règne de S.M. Mohamed V, ce qui n'est plus le cas, aujourd'hui, dans la nouvelle société pour un tel faqih.
Al-Mokhtâr a oeuvré avec acharnement sa vie durant à prêcher et à diffuser, par tous les moyens, la langue arabe et le 'ilm arabo-islamique, dans le Souss, à Marrakech et à tout endroit où il allait, même en exil. Pour lui, tout espace est propice pour éduquer grands et petits.
Nous pouvons affirmer que, si ses actions en tant qu'homme s'arrêtent à la limite de son dernier souffle en 1963, celles en tant qu'éducateur, se perpétuent encore au-delà de sa fin physique. En effet, même après sa mort, l'homme continue à vivre dans la mémoire collective des marocains en général et des soussis en particulier, grâce au 'ilm, à ses écrits, à ses disciples, à son nationalisme, à sa modestie et à son profil d'éducateur.
La présente recherche, a suscité la mise en place d'un arrière-fond illustrant les divers aspects de la vie dans le Souss du XXème siècle qui ont contribué à la socialisation traditionnelle de Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi et de sa génération.
Et comme il était de coutumes des soussis de se déplacer à la quête du 'ilm, nous avons pris le cas de notre homme, Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi, qui a trotté derrière le 'ilm plus d'un quart de siècle dans sa région et à travers le Royaume. La raison est simple : d'abord, car Al-Mokhtâr ne cessait pas de se proclamer enseignant praticien et éducateur, et puis, à notre avis, la vie de l'homme incarne l'image en miniature des grands changements que connaissait la société marocaine du XXème siècle, et ce, depuis la rencontre du traditionnel marocain et du moderne français dans le tissu social marocain.
Le présent travail s'est focalisé sur l'oeuvre de l'auteur pour en exhumer la dimension, tant historique, sociologique, que pédagogique de l'éducation et de l'enseignement traditionnel, qui nous semble oubliée.
Ainsi, nous avons pu dégager de l'oeuvre de l'auteur - et plus particulièrement de son encyclopédie Al-Ma'soul, de 20 volumes, dont la lecture reste difficile, à cause du manque d'une table des matières adéquate - l'architecture de l'enseignement traditionnel soussi et ses objectifs.
Nous soulignons que, la société marocaine traditionnelle avait mis en place un système éducatif à sa mesure.
Les Garçons devaient prématurément passer à l'âge adulte. Les filles n'avaient pas droit à l'enseignement dans le système éducatif traditionnel pour des raisons religieuses à contrairement aux garçons, et ceux-ci, n'étaient considérés que comme des récipients qu'il fallait remplir du 'ilm par tous les moyens, y compris les punitions excessives.
Dans l'optique de l'enseignement traditionnel, tout l'intérêt n'était porté que sur les textes sacrés et les oulémas qui ont pu les assimiler. N'est-ce pas là le secret même qui explique pourquoi ne connaît-on que les dates des décès des oulémas et non pas celles le leur naissance, au moment où ils n'étaient pas encore valorisés par le 'ilm ?
Et en partant des indices précédents, ne pouvons nous pas dire que l'enseignement traditionnel écartait de son champ tout ce qui est psychopédagogique ?
A notre connaissance, même Al-Mokhtâr qui était praticien dévoué à l'enseignement traditionnel, n'a pas théorisé au profit de cet enseignement qui ne se basait généralement que sur la baraka des maîtres. Al-Mokhtâr a consacré ses écrits aux oulémas, aux fouqaha, aux soufis, et aux institutions traditionnelles d'enseignement, mais pas aux femmes et aux enfants. La personne qui n'était pas 'alim, n'avait pas de valeur ni de pouvoir.
Mais, les structures de la société traditionnelle ne tardèrent pas à être ébranlées par les vents venus de l'Occident. L'enseignement séculaire, une fois en contact avec les valeurs et la culture occidentale, allait connaître des changements, dont les conséquences les plus immédiats et les plus visibles se développaient dans les zones urbaines.
Dès l'instauration de l'enseignement français au Maroc, le processus du changement dans le domaine éducatif, suscita l'apparition d'écoles libres en tant que défi à l'enseignement importé, et nous signalons que celui-ci a été facilement accepté par les familles aisées. Al-Mokhtâr, étant à Marrakech, était parmi les acteurs qui relevaient le défi à sa manière, et son action n'a pas tardé à atteindre sa région natale, le Souss. Nationaliste ardent, il n'a pas hésité à utiser ses cours, dispensés à ses élèves dans sa médersa ou au public dans différentes mosquées, comme moyen pour propager le nationalisme.
Son attitude lui a valu dans un premier temps un éloignement forcé de neuf ans dans sa région natale, et puis un second vers le sahara, dont il ne fut libéré que juste avant l'indépendance du pays.
Ses anciens élèves qui ont créé l'A.O.S, ont pu édifier, grâce à son soutien lorsu'il était minstre, l'institut islamique de Taroudant et ses annexes, malgré les obstacles et les entraves dressés par les opposants à l'enseignement originel, né de l'enseignement traditionnel.
Quinze ans après la mort de Mohamed Al-Mokhtâr Al-Soussi, les soussis allaient bénéficier de la faculté de Charî'a, fruit de l'arbre dont la graine avait été semée par Al-Mokhtâr à l'école de Rmila de Marrakech. Tout récemment, au début du XXIème siècle, la charte nationale de l'éducation et de la formation qui canalise tous les efforts sur l'enseignement moderne, a fait allusion à la réforme de l'enseignement traditionnel dépendant du ministère des affaires islamiques, et de l'enseignement originel dépendant du M.E.N. (Actuellement sous nomination : Ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse « M.E.N.J »)
Cependant, si les citadins sont en général favorables à la réforme de l'enseignement traditionnel, les ruraux, et en particulier les fouqaha et les tolba en exercice, surtout dans la région du Souss, sont opposés à cette nouvelle réforme qui touche au peu de pouvoir et de liberté qui leur reste depuis l'indépendance. Les fouqaha et les tolba déclarent redouter la disparition progressive de l'apprentissage par coeur du Coran et de l'assimilation des sciences religieuses.
A notre opinion, cette vision des choses reste probable, car tant que les planchettes coraniques sont en usage, l'enseignement traditionnel va se perpétuer, mais une fois qu'elles seront remplacées par le papier ou d'autres matériaux, les mémoires des apprenants se trouveront ensevelies sous les limons de la paresse résultant des produits offerts par les nouvelles technologies.
Enfin, nous ne pouvons qu'être convaincu, que la société marocaine actulle abrite différents types d'enseignements : Etranger, moderne, originel et traditionnel ou 'atîq, correspondant donc à diverses socialisations, cultures et mentalités.
Est-ce cette diversité constitue une source d'enrichissement ou une cause d'appauvrissement? En tout état de cause, la problématique est là avec toute sa pesanteur historique, sociale, politique et pédagogique.
La tâche est lourde et c'est à la politique suivie dans le domaine de l'éducation, qu'incombe de trouver, les moyens adéquats pour la démocratisation de l'enseignement et de l'éducation au profit des nouvelles générations des citoyens marocains, à la lumère des conjonctures actuelles où les apprenants, grâce aux condition nouvelles mises à leur portée, peuvent égaliser ou même dépasser les enseignants dans l'acquisition du savoir.
Il va sans dire qu'à cela s'ajoute un autre problème qui se résume en la remise en question des valeurs traditionnelles au sein même de la famille qui tend à démissionner de son rôle éducatif, fait insolite que ne connaissait pas la société marocaine de jadis.