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CHAPITRE VIII Mokhtar soussi

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CHAPITRE VIII

      L'enseignement et l'apprentissage dans les institutions traditionnelles soussies.

      A ) Le premier niveau.

      1- Les outils nécessaires à l'apprentissage.

      2- La méthode d'enseignement et d'apprentissage.

      2-1 Les premiers pas dans l'apprentissage.

      2-2 L'apprentissage de l'écriture.

      2-3 Les étapes de la mémorisation du Coran.

      B ) Le deuxième niveau.

      3- Les autres activités des apprenants.

      3-1 La nzaha annuelle des tolba.

      3-2..La mesure du temps.

      3-3 Les visites aux sanctuaires et aux moussems.

      3-4 Les autres occasions.

      4- Les vacances et les jours de repos.


CHAPITRE VIII
L'enseignement et l'apprentissage dans les institutions traditionnelles soussies.

      Le système éducatif traditionnel, avant le protectorat, était généralement uniforme dans tout le Maroc. Néanmoins, il faut noter quelques particularités dans le Souss, dues à l'excès de zèle des soussis.

      Pour en développer une approche, après avoir donné un aperçu des 'ouloum enseignés, un ensemble de questions se pose: Comment les enseignants, et fouqaha, donnaient-t-ils leurs cours ? Comment les enseignés apprenaient-ils, et dans quelles conditions ? Quels étaient les moyens exploités pour atteindre les objectifs attendus ? Quels étaient les styles et les méthodes pédagogiques utilisés ? Y avait-t-il d'autres activités en parallèle ? En somme, comment ce système éducatif populaire était-t-il organisé?

      Tout d'abord, signalons que l'enseignement et l'apprentissage différaient suivant les niveaux, dont voici le schéma:

      


A ) Le premier niveau.

      Les institutions qui desservaient le niveau des moubtadiîne, débutants, étaient la Timzguida, mosquée ou quelquefois, la médersa coranique. Tout dépendait des conditions économiques de l'endroit et des habitants.

      Dès que l'enfant avait atteint l'âge de sept ans, qui est l'âge de pratiquer la prière    et quelque fois même avant cette étape, il était conduit chez le taleb de la timzguida pour s'initier à (l'agmmaï) l'épellation de l'alphabet et aux premiers petits versets coraniques qu'il essayait de mémoriser par imitation.

      Il est à noter qu'un père soussi, avant de conduire son petit garçon chez le taleb - exclusion faite pour la fille - allait d'abord apporter sa planchette en la compagnie de son fils chez un cheikh soufi pour solliciter sa baraka. Un ancien élève donne son témoignage à ce propos en disant : « Au début, il [son père] a apporté ma planchette chez le cheikh Abou Baker ben Ali ben Youssef Al-Nâsirî Al-Tamgroutî lorsqu'il était descendu à Ida Ou'issî. Ce cheikh l'a bénie par les premières lettres de l'alphabet. Que Dieu lui accorde satisfaction, car sa baraka m'a été d'une grande utilité ».  

      Aperçu préliminaire.

      Le taleb enseignant était souvent assis en tailleur sur un ahidour, une peau de mouton bien tannée provenant probablement de tafaska, la fête du mouton, et qui lui servait de tapis de prières. Le dos contre le mur dans une cour découverte à l'ombre ou dans une chambre. L'endroit pouvait changer suivant les conditions atmosphériques. Autour de lui en forme de cercle, les imhdâren, élèves, accroupis sur des nattes et vêtus de djellabas ou de fouqyas, (vêtement se rapprochant de la djellaba mais sans capuchon). Leurs têtes étaient nues ou couvertes de taguiya, (sorte de bonnet). Ils ne cessaient de réciter à haute voix, chacun à son rythme, les versets coraniques écrits sur leur planchette. L'enseignement était fortement individualisé, et l'étude du Coran à ce niveau, se faisait sans commentaire.

      Le taleb enseignant avait toujours la tête rasée, le visage barbu, et il tenait à la main l'akouraï, le bâton pour frapper celui qui ne criait pas.

      A l'époque d'Al-Mokhtâr, les conditions d'hygiène étaient très précaires dans certaines institutions qui manquaient de tout, surtout au moment des famines et des sécheresses.

      En cas de maladies, même contagieuses, l'enfant atteint n'était pas évincé. Ecoutons ici le témoignage d'un élève rapporté dans Al-Ma'soul. « J'étais atteint d'une maladie grave (raqîq) [tuberculose] qui m'empêchait d'étudier, et après m'être plaint à lui [l'enseignant] il me répondit qu'il fallait aller visiter [le marabout] sidi Abou 'Îssâ.[...] Je n'ai pas suivi son conseil, car j'avais peur des voleurs sur le chemin, et je suis parti visiter les marabouts à Marrakech ».   

      Selon les anciens élèves qui ont fréquenté ces institutions, ils témoignent qu'ils souffraient énormément de la phtiriase, des dégâts causés par le trichophyton    et plus rarement de la promiscuité.

      Nous avons évoqué ce volet, car même à ce niveau les débutants, les imhdâren les plus âgés dormaient dans l'institution et étudiaient pendant la nuit dans l'Akhourbîch    à la lumière du feu jusqu'à minuit.

      L'apprentissage du Coran chez les soussis était de jour comme de nuit l'objectif primordial à atteindre. Celui qui ne l'avait pas appris n'avait aucune valeur aux yeux de ses semblables, à tel point qu'on entendit un père dire à son fils : « Si tu n'es pas lecteur du Coran, tu as moins de valeur qu'une chèvre, que je peux égorger pour mes invités, tandis que t'égorger, est interdit ».   

      Le taleb enseignant réveillait les élèves qui dormaient dans la timzguida ou dans la médersa coranique avant la prière d'Al-Fajr, l'aurore, pour réciter de mémoire cinq à huit Ahzâb.

      Une fois la Jma'at de la région se présenta pour la prière, les élèves la rejoignirent et le taleb présida la prière. Après, ils participèrent à la lecture du hizb al-râtib, avec le taleb, avant de reprendre la lecture du contenu de l'une des deux faces de leur planchette qu'ils devaient bien maîtriser avant de la laver.


1- Les outils nécessaires à l'apprentissage.

      L'apprenant, avait besoin pour son apprentissage de quelques outils individuels. Signalons qu'au début, l'apprenant n'avait nul besoin de papier:

      1-1 Tallouht (Planchette)

      L'amhdâr, l'élève qui venait de commencer n'avait besoin que d'une petite planchette, le plus souvent un morceau de bois plat appelé taqourchalt, qui suffisait pour les quelques lettres esquissées par le taleb.

      Pour ceux qui étaient déjà bien avancés, la planchette devait avoir dans les 60 cm de long et 35 cm de large, mais, elle avait toujours le haut plus large que le bas. La planchette avait obligatoirement un trou au milieu en haut, avec une petite ficelle pour l'accrocher au mur. Elle ne devait pas être posée par terre à cause du saint Coran qu'elle contenait. Elle n'était pas en contreplaqué comme c'était le cas dans certains pays musulmans. Elle était en bois, le plus souvent du noyer ou du thuya.

      Si elle était cassée, L'amhdâr l'apportait au forgeron    du village pour la faire réparer. Il le faisait gratuitement, comme il était de coutume, et bénéficiait de la baraka.

      1-2 Sansâr (Calamite).

      C'est une sorte d'argile blanche qui servait à enduire les planchettes après les avoir lavées.

      L'amhdâr, après avoir récité par coeur devant le taleb, l'une des deux faces de sa planchette, se précipitait vers le lamhî    (lavoir) pour y laver la face de la planchette mémorisée. Ensuite il enduisait l'endroit lavé de Sansâr d'une manière homogène et l'exposait au soleil pour la sécher ou la faisait passer sur le feu dans l'Akhourbîch en temps pluvieux.

      1-3 Smah (Encre).

      C'est l'encre, préparée par les imhdâren pendant leur repos hebdomadaire, avec laquelle on écrivait sur les planchettes. Elle est noire et dégage une odeur spéciale.

      Mode de préparation :

      On prenait de la laine sale ou de la corde de brebis que l'on mettait dans un morceau de porcelaine et qu'on posait sur des brasiers de bois d'arganier. Sous le poids d'un caillou, la laine rétrécissait et noircissait en se carbonisant progressivement. On y ajoutait quelques gouttes d'eau pour que le produit devienne visqueux tout en remuant avec un petit morceau de bois.

      Une fois que tout était prêt, on mettait un peu de laine au fond de l'encrier qui allait recevoir la préparation. La laine déposée au fond de l'encrier jouait deux rôles : le premier celui d'une sorte d'éponge retenant l'encre dans le cas où l'encrier serait renversé et le deuxième celui d'un amortisseur pour la pointe de la plume en roseau qui touchait sans cesse le fond du récipient.

      Un autre mode de préparation mais moins courant, est de fabriquer cette encre en brûlant des cornes de mouton ou de chèvre.

      Pour éloigner les mouches de cette encre qui servait à écrire les caractères sacrés, certains tolba conseillaient aux imhdâren d'ajouter dans leur encrier des grains d'aferzîz ou du Hanzal    (coloquinte).

      1-4 Al-Qalm (La plume).

      Si jadis en Europe, on utilisait pour écrire des plumes de grands oiseaux, en Afrique, ce fut le roseau qui l'emporta. Dans le Souss, et même de nos jours, l'outil adéquat pour écrire sur les planchettes reste les plumes taillées dans le roseau.

      Les imhdâren du premier niveau en fabriquaient des plumes à grosse pointe, et au fur et à mesure qu'ils avançaient dans l'apprentissage, les pointes de leurs plumes devenaient de plus en plus fines.

      La plume n'était pas utilisée que pour l'écriture ! Par son extrémité coupée obliquement et opposée à la pointe de l'écriture, le taleb pinçait les enfants sous le menton.

      1-5 Al-Mstart (La règle).

      C'est un bois droit de la longueur du bras, qui a à un bout une tête-crochet. D'une main l'élève prenait l'autre bout en accrochant l'autre sur la planchette horizontalement et trace sur l'enduit argileux avec la pointe de sa plume ou avec son ongle.

      Quand le taleb dictait à l'apprenant les versets coraniques, celui-ci les écrivait, en s'appliquant, sur des lignes préalablement tracées.   

      1-6 Akrrâj (Litt. Le frotteur).

      Généralement, c'était un morceau en bois d'olivier bien taillé    avec quatre facettes comportant de petites gravures. Il pouvait avoir la grosseur d'un doigt ou un peu plus. L'une de ses deux extrémités était taillée suivant la forme de l'extrémité du pouce.

      Ce petit bois avait pour fonction de frotter les phrases coraniques lues à haute voix lors de l'apprentissage, accompagné d'un mouvement corporel de l'apprenant d'avant en arrière. On prétend que cette technique aidait à la mémorisation du Coran.

      En somme tout le matériel décrit ci-dessus était offert par la nature et n'avait rien d'artificiel excepté l'encrier s'il était en verre.


2- La méthode d'enseignement et d'apprentissage.

      Au premier contact l'apprenant offrait au taleb enseignant, un petit cadeau. Il pouvait s'agir de nourriture, de vêtements ou d'argent suivant le niveau social de la famille.

      Le taleb se montrait très doux avec l'enfant pendant les premiers jours afin de l'intégrer dans ce nouveau milieu. Certains petits enfants qui fréquentaient la mosquée auparavant avec leur père lors des prières, avaient déjà établi des relations avec ce milieu.


2-1 Les premiers pas dans l'apprentissage.

      Le taleb donnait à l'enfant une petite taqourchalt, petite planchette, et lui inscrivait la basmalah    en tête. Mais comme l'enfant ne pouvait pas la déchiffrer au début, le taleb symbolisait toute la formule par un pentacle juste avant les quatre premières lettres de l'alphabet. Celles-ci étaient écrites de droite à gauche, le taleb les prononçait doucement une à une et l'enfant répètait après lui en l'imitant.

      Pour que l'enfant puisse mémoriser les formes des lettres, l'enseignant faisait appel à des comparaisons. Il comparait les formes de ces lettres aux choses ou aux animaux dans la nature.

      La tâche pour l'un comme pour l'autre, semblait être bien dure, car la forme des lettres de l'alphabet arabe change suivant l'emplacement dans le mot, au début, au milieu ou à la fin.

      D'après certains anciens tolba que nous avons interrogés dans le but d'étudier certains détails non-soulevés par Al-Mokhtâr, ils nous ont informé que quand le taleb/enseignant arrivait à la dernière lettre de l'alphabet le « yâ'  ð » il demandait à l'apprenant de dire : « yâ' irzân, ayrz rb-bî tiqqirt n-tfoulloust igha oura tarou l'arba n-ttâleb » (yâ' cassé, que Dieu casse la patte de la poule qui ne pond pas un oeuf pour le mercredi    du taleb).

      Seul cet exemple suffit pour comprendre que le taleb utilisait tous les moyens possibles pour incruster l'alphabet arabe dans la mémoire des enfants, en partant de tout ce qui pouvait être offert par le milieu.

      Il faut noter également que le taleb écrivait en bas de la planchette de l'apprenant « Wa bi Allah At-tawfiq Al-'azîm » Grand succès grâce à Dieu. Car, en plus des efforts fournis par les acteurs de cet enseignement, il faut l'intervention divine, sans laquelle rien n'est exaucé. C'est Dieu qui a enseigné tout à l'homme par la plume.  

      Quand l'enfant avait appris par coeur toutes les lettres de l'alphabet arabe par l'intermédiaire de sa langue maternelle, le berbère soussi, et ceci pouvait durer des mois, le taleb passe à une seconde phase.

      Cette phase consistait à apprendre à l'enfant à prononcer les lettres alphabétiques suivant les points diacritiques    en traçant en bas de la planchette de l'apprenant une ligne de droite à gauche, en mettant en haut et en bas de celle-ci les points diacritiques qu'une lettre peut avoir soit au-dessus ou au-dessous, en plus des points allant de 1 à 3.

      

      Ces voyelles et accessoires ne sont notés systématiquement que pour les besoins pédagogiques, surtout pour le Coran, afin d'éviter toute fausse lecture.

      Quand l'apprenant avait bien maîtrisé l'alphabet, le taleb écrivait sur la petite planchette le deuxième verset de la sourate Al-fâtiha, l'ouvrante ou préliminaire (Louange à Allah, seigneur de l'univers) que l'apprenant finissait au cours de la semaine ou plus.

      Il lui épelait chaque mot et lui fait répéter le verset jusqu'à ce que l'apprenant fut capable de le réciter.

      C'est tout ce qu'il va répéter du matin au soir pour bien mémoriser les versets de cette sourate qui représente la clé des prières.

      A ce stade, si l'apprenant n'avait pas appris le contenu de sa planchette, le taleb ne lui infligeait pas de supplice, mais il ne manquait pas de lui tirer les oreilles ou de les frictionner entre le pouce et l'index, comme avait fait le Prophète à l'oreille d'Ibn 'Abbas.  

      Progressivement le taleb guidait l'apprenant dans son apprentissage en passant par les petits versets coraniques avant d'atteindre les plus longs.

      Les camarades les plus avancés pouvaient aussi lui apporter leur aide. Personne n'était pressé de finir un quelconque programme en un temps déterminé, car il n'y avait pas de programme précis ni d'examen de fin d'année. D'ailleurs il n'y avait pas non plus une rentrée commune aux enfants. Tout enfant pouvait venir poursuivre ses études quand il voulait suivant son âge et la volonté de ses parents.


2-2 L'apprentissage de l'écriture.

      Après avoir surmonté l'obstacle de l'alphabet, l'apprenant devait se confronter à celui de l'écriture.

      Le taleb esquissait sur la planchette, enduite d'argile, de l'enfant, quelques mots à l'aide d'un petit bois pointu que l'enfant devait reproduire avec de l'encre en faisant attention à bien s'appliquer.

      Ce procédé durait des semaines, jusqu'à ce que l'apprenant en ait la maîtrise, puis venait le premier pas de l'apprenant vers l'indépendance. Le taleb écrivait quelques mots sur la moitié haute de la planchette avec de l'encre, et, laissait la moitié basse, où l'apprenant devait reproduire les mêmes mots. L'apprentissage pouvait durer plusieurs semaines suivant les capacités de l'apprenant.

      La dictée :

      Quand le taleb constatait que l'apprenant était capable de maîtriser la structure des mots et des phrases, il procédait à la dictée des versets coraniques, que l'apprenant devait écrire seul sur sa planchette en suivant les traits qu'il avait tracés auparavant.

      Pour commencer, l'apprenant écrivait d'abord en tête de sa planchette la basmalah et la taslya et puis retournait sa planchette et voyait la fin de l'ancienne face de celle-ci appelée Assâïss, champ qui débute toujours par trois points (.. ) et qui liait l'ancienne face à la nouvelle, car l'apprenant, lors de la lecture, lisait toujours la fin de l'ancienne face de sa planchette avec le début de la nouvelle pour assurer une bonne liaison entre les parties du texte coranique.   

      Pendant la matinée, tous les imhdâren qui avaient lavé leur planchette se mettaient en forme de demi-cercle, avec leur matériel, devant le taleb, qui dictait à chacun les versets dont il avait besoin phrase par phrase suivant le questionnement de chaque élève.

      Prenons par exemple le cas d'un élève qui avait atteint la sourate Al-Qadr :

      «  Nous l'avons certes, fait descendre [le Coran] pendant la nuit du décret (divin) Et qui te dira ce qu'est la nuit du décret (divin)? La nuit du décret (divin) est meilleure que mille mois Durant celle-ci descendent les Anges ainsi que l'Esprit, avec la permission de leur Seigneur Elle est paix et salut jusqu'à l'apparition de l'aube » (Trd. A.Fakhri)

      L'apprenant devant le taleb, planchette tenue par la main gauche, la plume à la main droite, il dit au taleb :

      - A sidi (maître): Nous l'avons certes, fait descendre [le Coran]

      Le taleb dicte : pendant la nuit du décret.

      Et l'apprenant reprend :

      - A sidi : pendant la nuit du décret.

      Le taleb dicte : Et qui te dira ce qu'est la nuit du décret ?

      L'apprenant reprend :

      - A sidi : Et qui te dira ce qu'est la nuit du décret ?

      Le taleb dicte : La nuit du décret est meilleure que mille mois.

      C'est ainsi que le taleb dictait à plusieurs enfants à la fois divers versets de différentes sourates. Il suffisait que chacun lui dise le bout d'une phrase pour que le taleb lui dicte de mémoire ce qu'il fallait, avec aisance, puisqu'il avait passé toute une période de sa vie à mémoriser le texte sacré dans sa totalité.

      La dictée continuait, et, chacun des apprenants écrivait ce qu'il pouvait mémoriser en deux jours. Après, et à tour de rôle, chacun venait devant le taleb et lui tendait sa planchette en la tenant dans la bonne position avec la main droite, et en tenant son encrier avec la main gauche. Le taleb prenait alors la plume et corrigeait les fautes commises. Le plus souvent, il y en avait beaucoup, car maîtriser l'écriture coranique n'est pas chose aisée.

      On nous a rapporté que le taleb, à la fin de la correction de la planchette, essuyait la plume sur la tête de l'apprenant. Lorsque nous nous sommes penchés sur la compréhension de ce geste, nous avons remarqué, après des entretiens avec d'anciens élèves qui ont suivi cet enseignement, que leurs réponses étaient divergentes :

      - Pour certains, c'était juste pour se débarrasser des fils de laine qui s'accrochaient à la pointe de la plume et qui dérangeaient l'écriture.

      - Pour d'autres, le taleb ne faisait ce geste que pour les teigneux pour les guérir grâce à l'encre qui servait à écrire le livre saint.

      - Une troisième catégorie, pensait que le geste était juste pour donner la baraka du taleb à l'apprenant dans le but qu'il ait une mémoire infaillible.

      A ce sujet, Al-Mokhtâr n'a rien évoqué, à part le fait de lécher de la nourriture sur les doigts du faqih et de boire les restes de ses ablutions, à la recherche de la fameuse baraka  

      Autres notions d'apprentissage :

      A ce niveau, les efforts du taleb/enseignant se focalisaient sur l'enseignement des notions du culte islamique aux imhdâren, car « atta'alloum fi al-sighar, ka al-nnaqchi 'alâ al-hajar » maxime très diffusée par les éducateurs musulmans qui signifie que : l'apprentissage durant l'enfance est comme la gravure sur la pierre. Les empreintes restent pour toujours.

      Ainsi, dès le plus jeune âge, les imhdâren devaient apprendre comment faire les ablutions, les prières obligatoires et celles qui se récitent en certaines occasions, al-adhâne, l'appel à la prière, les diverses invocations et les cinq piliers de l'islam, et tout ceci en tachelhit.

      Voyons un peu un aperçu pédagogique concret de l'apprentissage collectif -l'apprentissage du Coran était individuel- ayant lieu souvent l'après-midi du mercredi, juste avant les deux jours du repos hebdomadaire :

      Le taleb/enseignant questionne en tachelhit et les apprenants répondent ensemble :  

      Maygâne yâne ? (Qui est un ?)

      Rbbî Soubhânahou (Dieu unique)

      Maygâne Sîne ? (Qui sont deux ?)

      Babatengh adama d'oummangh hawâ (Notre père Adam et notre mère Ève)

      Maygâne krâ? (Qui sont trois ?)

      Ashabou Al-rawda Al-Charîfa : Le Prophète (BSDL) Abou Bakr et Omar. (Les appartenants au noble jardin...).

      Maygâne kkose ? (Qui sont quatre ?)

      Kkose Al-koutoub : Taourat i Moussâ, Injîl i 'Îssâ, Zbour i Dawoud, Al-Fourqân i Mohamed. (Les quatre livres : la Torah pour Moise, les Psaumes pour David, l'Evangile pour Jésus et le Coran pour Mohamed.)

      Maygâne smmouss ? (Qui sont cinq ?)

      Smmoust tzalliwîne lli ifrd rbbî ghiyd d'ouzâl fi imouslemn (Les cinq prières obligatoires diurnes et nocturnes recommandées aux musulmans)

      Maygâne sdîss ? (Qui sont six ?)

      Sdîss woussâne llî ikhlq rbbî ddounît, sabt igua zyada, (les six jours de la création du monde, le samedi n'est que surplus)

      Maygâne sâ ? (Qui sont sept ?)

      Sâ iguinwâne,sâ ikaliwoune, sâ labhour, sâ woussâne, sâ imâwoune n'jahnnâm aghguiss ihfd rbbî. (Sept cieux, sept terres, sept océans, sept jours, et sept portes de l'enfer, que Dieu nous protège)

      Maygâne tâm ? (Qui sont huit ?)

      Tâmt ljnnât agh tnt irzq rbbî ( Huit paradis, et nous prions Dieu qu'il nous en fasse don)

      Maygâne tzâ ? (Qui sont neuf ?)

      Tiss'atou rahtin. (Les neuf malfaiteurs)   

      Maygâne mrâw ? ( Qui sont dix ?)

      Imddoukkâl n'nnbî ( Les dix disciples du Prophète [ auxquels le paradis a été promis] )

      Maygâne yâne d' mrâw ? (Qui sont onze ?)

      Aïtmass n'Youssef. (Les frères de Joseph) [Fils de Jacob]

      Maygâne sîne d'mrâw ? (Qui sont douze ?)

      Sîne d'mrâw wayour (Les douze mois lunaires)

      Telle était la méthode d'enseignement et d'apprentissage collectif en berbère du Souss. Le taleb essayait par tous les moyens de pousser les apprenants à surmonter les obstacles culturels. Sans doute, les nombres indiqués ci-dessus, signifieraient autres choses dans d'autres cultures et civilisations.


2-3 Les étapes de la mémorisation du Coran.

      Après avoir procédé à l'écriture et à la correction, l'apprenant prenait place sur une natte ou un morceau de natte, le dos contre le mur ou non, et commençait à lire le contenu de sa planchette à haute voix, en utilisant son akrrâj avec lequel il frottait les lignes écrites jusqu'à la mémorisation totale de tout le contenu, après quoi le taleb lui ordonnait de suspendre sa planchette à la tagoust   pour aller prendre un peu de nourriture chez lui avant de reprendre la même routine. Quand les parents voyaient arriver leur enfant à l'heure pour manger, ils savaient qu'il avait bien appris ses versets.

      Celui qui n'avait pas appris le contenu de sa planchette, devait rester à apprendre sans manger. Ce n'était qu'après la prière de l'après-midi que le taleb lui permettait d'aller manger chez lui. A la maison, les parents ne manquaient pas de le gronder pour l'inciter à devenir comme le fils d'un tel ou d'un tel.

      Pour les apprenants les plus avancés qui écrivaient un quart ou un demi de Hizb, le taleb les laissait partir manger juste après l'azzrây, la correction et quelques lectures.

      Après la première prière de l'après-midi (Al-zouhr) tout le monde se mettait à mémoriser l'ancienne face de sa planchette qui serait lavée le lendemain. A haute voix, les imhdâren lisaient les planchettes sous les coups de leur akrrâj que l'on pouvait entendre de loin.

      Juste avant la seconde prière de l'après-midi (Al-'asr) le taleb les appelait un par un pour réciter devant lui par coeur le contenu de la planchette qui serait lavée.

      L'apprenant s'accroupissait devant le taleb en tenant de la main droite l'un des deux coins supérieurs de sa planchette tout en la posant par terre à l'angle opposé à celui que tenait sa main, la face de la planchette à réciter face au taleb, qui, à la moindre hésitation, lui assenait des coups. Peu importe les parties du corps atteintes par les coups.

      Après cette séance, le taleb disait aux imhdâren « Aglatt'nt » suspendez-les (planchettes) Les plus petits rentraient alors chez eux, et les grands devaient aller chercher du bois et de l'eau pour ravitailler la Timzguida ou la médersa coranique, si l'institution n'avait pas de puits ou de Tanoutfî.  

      Après l'accomplissement de cette tâche, ils devaient réciter par coeur les ahzâb    qu'ils avaient appris précédemment. Cette technique se répétait chaque jour dans la mosquée ou ailleurs, afin que l'apprenant n'oublie pas le Coran.

      Pour être sûr que les apprenants avaient bien mémorisé leurs Ahzâb, le taleb les contrôlait un par un à tour de rôle durant la semaine. Chacun devait passer devant lui en récitant son acquis, allant d'un Hizb à plusieurs. A la moindre hésitation, le taleb utilisait sa corde tressée pour infliger des châtiments aux paresseux.

      Quand la prière d'Al-maghrib approchait, les élèves se précipitaient pour faire leurs ablutions. Le taleb présidait la prière en tant qu'imâm et les imhdâren priaient derrière lui avec les personnes présentes.

      Juste après, Ils se regroupaient autour du taleb pour la lecture du Hizb al-râtib, dans la Maqsourt 

      Après la lecture du Hizb al-râtib et les invocations, les imhdâren quittaient le taleb après avoir baisé la main et celle de toute personne adulte présente. Ils avaient encore à réciter leurs Ahzâb jusqu'à la prière d'Al-'ichâ'.

      Après celle-ci et après avoir mangé, les imhdâren reprennaient leur planchette pour bien mémoriser ce qu'ils allaient laver le lendemain matin. La lecture se faisait à la lumière du feu appelé dans le Souss Aghâd. Cela se poursuivait jusqu'à une heure tardive de la nuit, avant d'aller prendre quelques heures de repos.

      Le taleb réveillait ses imhdâren avant l'aube pour faire leurs ablutions et leur prière. Après la lecture du Hizb al-râtib du matin chacun reprenait la lecture de sa planchette jusqu'au lever du soleil, moment où chacun devait passer devant le taleb réciter par coeur le contenu de la face de sa planchette qu'il allait laver. Le taleb ne donnait l'autorisation du lavage qu'à ceux qui avaient bien mémorisé tout ce qui était écrit sur une face de leur planchette.

      Ce cycle se reproduisait durant toute la semaine, sauf le jeudi et le vendredi, où les imhdâren respiraient un peu et se reposaient ou quand ils y avaient repos à l'occasion d'une cérémonie religieuse.

      Quand l'apprenant arrivait à son premier Assoufgh   ou Sloukt (la khatma en arabe) il reprenait la mémorisation des Ahzâb par ordre décroissant en commençant par le début de la sourate Al-Baqara (la genisse) le Hizb : A.L.M (alif lâm mîm)

      La première sloukt ou assoufgh :

      Quand l'apprenant avait achevé la lecture de tout le Coran, c'était sa première sloukt ou assoufgh. Elle était accompagnée d'une petite fête pour ses camarades et le taleb/enseignant, à qui, le père de l'apprenant pouvait acheter une djellaba et des babouches pour l'honorer à cette occasion. Voyons ce que dit un taleb à ce propos « Quand j'ai achevé le Coran vénéré,[ lecture et mémorisation d'une partie] mon père a invité, comme il est de coutume dans le Souss, les oulémas, les tolba, les fouqarâ et les pauvres. Il a immolé des moutons pour l'occasion. Tous les invités lurent le Coran jour et nuit pendant trois jours, durant lesquels ils buvaient et mangeaient ».  

      A ce stade, l'apprenant échangeait sa planchette pour une autre beaucoup plus grande, qui devrait contenir en plus du Coran, ce que le taleb allait écrire concernant les règles de l'écriture coraniques souvent en vers appelées Lansâs   Quand le taleb enseignant trouvait une faute d'orthographe sur la planchette de l'apprenant lors de la correction, il traçait au-dessus une ligne droite et la corrigeait là où il y avait de l'espace avec une plume large destinée uniquement à la correction des planchettes ou parfois même avec son index, dans le but d'attirer l'attention de l'apprenant à ne jamais l'oublier.   

      Les corrections faites étaient appelées Aljabd, tirage. Chaque apprenant essayait d'éviter ces traçages ou d'en avoir un minimum par rapport à ses camarades, car à leurs yeux c'était une honte, et les fautes commises étaient impardonnables. La concurrence pour les éviter, allait jusqu'à faire naître chez eux un certain degré d'inimitié.

      Les histoires se rapportant aux fautes commises sur les planchettes et à leur correction étaient nombreuses et étonnantes. Pour n'en citer qu'une à titre d'exemple, voici ce qui est arrivé à un apprenant qui a ajouté un alif (a) au mot « ðððð ðð » « waasfahoum   » (prescription) sur sa planchette.

      Un faqih avait remarqué sur la planchette d'un amhdâr la faute de l'alif ajouté au mot quin'en comporte pas.

      (Sachant que l'alif (a) ressemble à un petit bâton) Le faqih appela tous les imhdâren, puis prit sur son épaule un grand bâton et leur demanda de le suivre. Arrivés tous au bord de la mer sur une falaise, il jeta le bâton dans l'eau et leur dit : « Ceci est l'alif ajouté à « ððððð »  wasfahoum, nous le noyons dans la mer à jamais pour que ceux qui sont sur terre n'en soient plus dérangés ».  

      Nous notons que c'est une sorte de pédagogie du concret, qui peut rejoindre le point de vue de la plupart des pédagogues et psychologues contemporains qui affirment que l'enfant n'apprend que ce qu'il touche.

      Lorsque l'apprenant avait fait une série d'assoufgh ou sloukt, suivant son intelligence et ses capacités, et qu'il avait bien appris les différents styles d'écriture du Coran et de sa lecture, surtout la lecture de Warch adoptée   dans tout le Maroc, il devenait taleb / étudiant apte à suivre des études supérieures, le 'ilm, dispensé dans les médersas 'atîqas éparpillées dans tout Le Souss.


B ) Le deuxième niveau.

      Pour avoir accès aux médersas 'atîqas, il n'y avait aucune formalité d'inscription, ce qui illustre bien leur caractéristique populaire. La seule condition exigée pour tout le monde, était d'avoir appris par coeur tout le Coran. Le taleb étudiant, une fois qu'il avait rejoint la médersa de son choix, pouvait y demeurer trois jours au moins en assistant au cours du faqih avant de prendre la décision de rester ou de partir vers une autre médersa.

      Au premier contact, le faqih essayait d'évaluer les connaissances du nouveau taleb pour le classer dans le groupe qui convenait. Généralement il y en avait trois : les débutants, les moyens et les plus avancés.   

      A la même occasion, le faqih rappelait au nouveau venu le règlement interne de la médersa concernant l'assiduité, les prières, la lecture du Hizb al-râtib, la persévérance, le respect, les bonnes relations, et la propreté tant corporelle que vestimentaire, et, s'il y avait violation de ce règlement, le taleb risquait d'être révoqué.

      Toute la gestion de la médersa revenait au faqih. « C'est lui qui y enseigne après l'établissement d'un contrat (chard) avec la tribu, et c'est lui qui accepte les tolba ou les refuse dans la médersa »   

      Notons qu'à ce niveau, le matériel utilisé pour apprendre et les horaires des études étaient les mêmes qu'au premier niveau dans la mosquée et la médersa coranique. Ce qui était nouveau étaient les matières enseignées et l'accès aux ouvrages pour ceux qui arrivaient déjà, même avec difficulté, à comprendre un peu la langue arabe.

      Le faqih, comme le taleb, inaugurait la planchette du taleb étudiant par la basmalah, mais cette fois c'était pour commencer les leçons de grammaire en vers que le taleb / étudiant devait apprendre par coeur comme le Coran, sans en comprendre le sens. Il commençait Al-Jroumya   [toute seule] sur sa planchette et devait mémoriser toutes les définitions qui sont aussi longues que les nuits de l'hiver, en plus de beaucoup de vers qui lui seraient utiles dans l'avenir, même s'il ne comprenait rien pour le moment.

      Quand il avait terminé, Al-ajroumya en trois ou quatre mois, il devait la reprendre en parallèle avec Al-joumal   avant d'entamer Al-Zwâwî   tout en apprenant par coeur le contenu de sa planchette comme il le faisait avant pour le Coran. «  Le plus souvent, les fouqaha des médersas traitaient les débutants avec violence et leur faisaient subir des supplices »  pour les forcer à maîtriser la grammaire et la morphologie.

      Le nouveau taleb / étudiant passait une année à se consacrer uniquement à l'initiation à la langue arabe. Pour faciliter la mémorisation des matières enseignées, les oulémas soussis, les ont composées en vers sous forme de poèmes.

      Arrivé au groupe des moyens, le taleb / étudiant entamait l'initiation au fiqh par Al-mourchid Al-mou'îne   avant la Rissâla et approfondissait la grammaire par Al-alfya d'Ibn Malik   composée en mille vers que le taleb/étudiant devait apprendre par coeur.

      Ce dernier ouvrage de grammaire assez compliqué est commenté par plusieurs autres ouvrages, tels que Al-Makoudî, Al-Bahja de Sayoutî et Al-Mouadih.

      Avant d'assister au cours du faqih, les tolba/étudiants se préparaient d'avance pour le cours « Le faqih commente chaque vers de Al-Alfya, et les tolba / étudiants lisent à tour de rôle devant lui, une partie du commentaire des ouvrages concernant le sujet traité. A droite du faqih s'assoit celui qui lit, Al-qâri', le lecteur.

      Avant le commencement du cours, le faqih débutait toujours la séance par ces vers :

      Que Dieu me garde de Satan,

      Ce lapidé ennemi de l'homme,

      Nous ne commençons que par le nom d'Allah,

      Nous ne citons que louange à Allah.

      Mohamed est un être, mais pas comme les êtres,

      Il est un corindon entre les pierres.

      Après cette introduction, on procédait à la récitation des vers à commenter par le faqih. Quand il atteignait la fin de ce qu'ils avaient préparé au préalable, le lecteur à droite du faqih disait : wa salla Allah « Dieu a prié »   en ces termes, cela signifiait que la partie révisée était achevée. Le faqih clôturait alors le cours par des invocations et les tolba s'en allaient.

      Progressivement les tolba avançaient en approchant les ouvrages les plus complexes qui ne sont pas conçus pour être des manuels scolaires au sens propre du terme.

      Les plus avancés abordaient le moukhtasar, l'abrégé en fiqh malékite du cheikh Khalîl, surtout les matinées, et de la même manière que précédemment, en se référant successivement aux commentaires : Al-Dardîr, Al-Dassouqî, Al-Zourqânî et Al-Kharachî avec leurs hawâchî, gloses.

      Une autre manzoumat du fiqh n'était pas moins importante, et que les tolba devaient apprendre par coeur. Il s'agissait de la Touhfat d'Ibn 'Hazm de Cordoue.

      A ce niveau, les tolba étudiants, étudiaient aussi certains ouvrages littéraires tels que Al-maqâmât d'Al-Harîri, le calcul, les sciences de l'héritage, les fondements du droit musulman, la logique, le hadith, le tafsîr surtout d'Aljlâlaïne   Mais, il faut noter que, seuls les meilleurs tolba qui avaient étudié l'Al-Alfya et le moukhtasar au moins trois fois, avaient la permission de substituer les ouvrages aux planchettes qui les avaient accompagnés jusqu'ici. Les autres devaient encore apprendre tout par coeur, méthode de base incontournable dans l'enseignement traditionnel religieux soutenue par la vision de l'imâm Châfi'î qui disait :   

      Mon 'ilm m'accompagne là où je vais,

      Ma poitrine lui est récipient et non le ventre d'un coffre,

      Si je suis chez moi, le 'ilm est présent avec moi,

      Si je suis au souk, le 'ilm est aussi au souk.

      Nous soulignons qu'Al-Mokhtâr Al-Soussi valorisait cette méthode d'apprentissage par coeur en disant « Grâce à cette maîtrise, ce système merveilleux et cette"bataille" tu trouves les soussis plus habiles que les autres [en ce qui concerne l'apprentissage par coeur] et, le faqih qui a subi ce genre de formation, n'a pas besoin de réviser ce qu'il va enseigner en tant qu'enseignant. Il sait tout sur le bout des doigts ».  

      Mais cette méthode d'apprentissage par coeur, était critiquée par d'autres. « L'exagération de l'apprentissage par coeur dans certaines régions du Maroc comme dans le Souss a dépassé les limites, car on apprend par coeur même les dictionnaires. Mais si ce style entrave parfois l'épanouissement de la pensée, il est fructueux pour ceux qui veulent forger la langue arabe, et, le cas de nombreux poètes et hommes de lettres soussis en est la preuve irréfragable »  

      Notons aussi qu'il n'y avait pas de place pour le dialogue entre le faqih et les tolba sur les cours donnés. Le faqih enseignait et on ne devait en aucun cas lui poser de question, et celui qui tentait de le faire était renvoyé du cours.  

      En outre, les tolba / étudiants ne se contentaient pas uniquement des cours dispensés par le faqih. Ils s'entraînaient entre eux à réviser et à donner des cours à tour de rôle, aux moments des repos, ce que certains essayaient d'éviter en inventant des prétextes pour ne pas être la cible des critiques pouvant entraîner des bagarres. 

      Comme toutes les médersas 'atîqas n'avaient pas un programme unifié, il nous semble préférable de dresser un tableau illustrant les ouvrages adoptés généralement dans le Souss. Ce qui ne signifie nullement qu'il n'y en avait pas d'autres qui circulaient, sachant que dans la région, il y avait des bibliothèques individuelles et celles de certaines médersas.



16/10/2007
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